top of page
Rechercher
  • jpdumas007

Contrairement à ce qu’écrit le COR, le budget du système retraite est à l’heure actuelle en déficit

Dernière mise à jour : 18 mai 2023



Jean-Pierre Dumas

14 mai 2023


D’après le COR le budget retraite de la France est en 2021 en excédent pour environ €900 millions, cela implique pour un lecteur superficiel que le système retraite français n’entraine pas d’augmentation de la dette; mais, nous dit le COR, dans les années à venir, il y aura un léger déficit. C’est la croyance de tous les politiques, tous les journalistes et syndicalistes. Il n’y a pas le feu, pourquoi faire une réforme impopulaire et inutile ? Nous contestons cette vision, elle est erronée et repose sur un manque d’analyse économique et de compréhension de ce qu’est un budget et de la consolidation.



Il y a une relation entre le déficit budgétaire et la variation de la dette; or le solde du budget retraite présenté par le COR ne permet pas de passer du déficit à la dette. Il faut pour cela revenir à la définition d’un budget ce qui apparemment ne s’enseigne pas en France (chercher sur le site du Ministère des Finances français le budget de la France). Le budget tel que présenté par le COR est limité aux retraites et est présenté sous forme de tableau de financement (qui est par principe équilibré).


Pour les retraites des fonctionnaires, le COR utilise le concept juridique (et idéologique) de compte d’affectation spéciale (CAS) qui est par principe équilibré, les dépenses (des retraites pour les fonctionnaires) sont équilibrées par des subventions qui ne sont rien d’autre que des dépenses de l’État. Autrement dit, on équilibre un sous-budget (le CAS) à l’intérieur du budget par une dépense à l’intérieur du budget de l’État, afin de masquer le déficit structurel de ce sous-budget. Cela s’appelle une politique de gribouille (il n’y a qu’en France, à notre connaissance, qu’on utilise le concept idéologique de « compte d’affectation spécial »). La culture des finances publiques française ne repose pas sur des concepts économiques, mais juridiques.


Le COR considère que les subventions et transferts d’une branche de la SS aux retraites sont des recettes, ce qui est faux sur le plan budgétaire. La présentation du budget retraite par le COR (en fait, le COR ne présente pas de budget dans son rapport de 342 pages), ne permet pas de calculer le solde du budget retraite dans une optique économique et donc de connaître l’influence du déficit des retraites sur la dette publique.



1. Qu’est-ce qu’un budget ?


Un budget c’est un compte qui retrace les recettes d’un agent, moins ses dépenses, la différence s’appelle le solde. Si les dépenses sont supérieures aux recettes, alors il y a un déficit (ce qui arrive de temps en temps en France). Ce déficit doit être financé, il ne peut être financé que par un accroissement de dette. Vous allez dire que c’est évident et ça ne mérite aucune explication, et pourtant, la présentation implicite du budget par le COR ne permet pas de montrer le lien entre le déficit du budget et l’accroissement de la dette publique.


Il faut donc rechercher les recettes (ce sont les cotisations totales payées par le secteur privé et public) et les dépenses du budget retraite (les prestations versées) au niveau national.


Tout le débat porte sur la définition des recettes, à notre sens, le COR considère comme recettes du budget retraite des ressources qui, sur le plan économique, sont des dépenses pour le budget de l’État.


En fait, le budget COR n’est pas un budget, mais s’apparente à un tableau de financement (il considère comme recette des ressources et dans les ressources il met, selon la tradition française, des emprunts). Or un emprunt n’est pas une recette budgétaire, c’est le financement du déficit.



2. La présentation du budget retraite par le COR est idéologique


Une chose est étrange le COR dans son rapport volumineux (Rapport annuel, Évolutions des retraites en France, sept. 2022, 342 pages) ne présente nulle part le budget retraite pour l’année en cours (2021). Page 62 nous apprenons que les dépenses brutes du système retraite s’élèvent à €345.1 milliards en 2021 ou 13.8% du PIB. Page 11 nous apprenons que le système des retraites a été excédentaire pour environ €900 millions. Pas un seul budget des retraites pour l’année de base. Est-ce que le COR voudrait cacher quelque chose ?


Pour présenter le budget retraite nous utilisons l’excellent rapport du Commissariat au Plan sur Retraites: une base objective, Commissariat au plan déc. 2022.pdf


Tableau 1 Le budget retraite selon le COR est en surplus en 2021



Mme Bouverin in Revue-risques déc. 2022 n°132 et Nicolas Marques Institut Molinari Retraites_mecomptes_et deficits_publics sept. 2022, dans leurs articles fondateurs, nous avertissent que le poste « cotisations » au sens du COR inclut des sur-cotisations de l’État en faveur de ses fonctionnaires. En effet, l’État paie des cotisations en faveur des fonctionnaires civils d’État s’élevant à 74% de leurs salaires indiciaires bruts, des cotisations en faveur des militaires s’élevant à 126% de leur salaires et 30% pour les fonctionnaires locaux et hospitaliers. Donc les cotisations de l’État en faveur de ses fonctionnaires s’élevaient en 2021 à €70 milliards, alors que si l’État payait des cotisations patronales en faveur de ses fonctionnaires au taux, déjà élevé, du secteur privé (16.5% du salaire), il ne verserait que €24 milliards. Donc les sur-cotisations que paie l’État en faveur de ses fonctionnaires s’élèvent à 70-24 = €46 milliards. Or ces sur-cotisations s’analysent, en termes économiques, comme des subventions de l’État en faveur de ses fonctionnaires d’État et militaires.


Si on sort de l’optique étroite du COR et si on commence à raisonner en termes économiques, on doit se poser la question, d’où viennent les subventions de l’État au budget des retraites? Les subventions de l’État en faveur du budget retraite sont, nous dit le COR, une ressource pour le budget retraite, certes, mais ces subventions sont, aussi des dépenses pour le budget de l’État (ce que passe sous silence le COR).



3. Un concept inconnu du COR, la consolidation

L’effet du déficit budgétaire sur la dette publique ne peut s’analyser qu’au niveau du budget consolidé de l’administration publique (c’est le budget au sens de Maastricht), c’est-à-dire au niveau consolidé du budget de l’État, de la SS et des collectivités locales; or le COR se limite à un sous-ensemble du budget de la SS (le système retraite au sens étroit du terme) et considère comme recettes, ce qui est en fait des dépenses pour l’État. Il a donc (volontairement) une vision tronquée du budget retraite en France. En oubliant l’agent État qui finance une partie majeure du système retraite en France, le COR considère comme ressource ce qui reste une dépense pour l’Etat.


Pour le COR, il n’y a pas de déficit en 2021 du budget retraite, car il considère que les subventions de l’État en faveur des retraites (46+7.4+4.8 = €58 milliards) sont une ressource du budget retraite français, ces ressources ne tombent pas du ciel, ce sont des dépenses de l’État en faveur des retraites (des subventions) donc au niveau consolidé (ressources pour le budget retraite au sens du COR plus dépenses pour le budget de l’État, elles s’annulent). Il y a aussi des transferts obligatoires de la part d’autres caisses sociales «excédentaires» en faveur des retraites (€14.3 milliards) et finalement des impôts affectés par l’État au budget retraite (€46.3 milliards). Le COR considère que le budget retraite en France est équilibré grâce aux cotisations, aux subventions de l’État, aux transferts d’autres caisses et aux impôts affectés. Où est le problème? Sur le plan économique, il a tort.


Tableau 2 Le budget retraite retraité


Les subventions s’annulent dans la consolidation, idem pour les transferts d’autres caisses vers le budget retraite, qui sont des transferts d’une administration vers le système retraite, c’est donc une fausse recette, elle s’annule dans les processus de consolidation. Restent les impôts affectés aux retraites (essentiellement la CSG) (€46 milliards), les impôts ne sont pas un transfert d’un agent public à un autre, c’est un transfert obligatoire des ménages et des entreprises (extérieurs à l’administration à l’État) à l’agent État. Ce transfert ne se traduit pas par un accroissement de la dette. Donc le solde du budget du système retraite français s’élève à -72 milliards (cf. tableau 2). C’est le déficit du budget retraite en 2021 ou 2.9% du PIB, il représente 45% du déficit global au sens de Maastricht.


Ce déficit en 2021 du budget retraite présenté dans le cadre de l’administration publique (€72 milliards), correspond bien à la contribution du système retraite français à l’augmentation de la dette publique française. C’est ce que nos enfants et petits-enfants devront payer pour notre bien-être présent. Sachant que la dette publique a augmenté de €165 milliards en 2021 (par rapport à 2020, source IMF/WEO/database Apr. 2023), le système retraite à la française contribue pour quasi la moitié de l’accroissement de la dette publique française. S’endetter, pour un tel montant, pour financer des dépenses improductives, ne dérange personne…ce déficit est structurel, il va aller en augmentant avec le vieillissement de la population et la diminution du nombre des actifs. Allonger de deux ans l’âge du départ à la retraite est une réforme nécessaire, mais mineure et complètement insuffisante compte tenu de la gravité de la situation.


Nous avons quatre critiques à faire au COR: 1) En dépit d'un rapport rempli de chiffres plus ou moins utiles, le COR n’est pas en mesure de présenter le budget retraite pour l’année en cours, pourquoi ? On se demande sur quelle base il fait ses projections . 2) il raisonne en termes de tableau de financement ressource-emploi qui est par définition équilibré (on met les emprunts dans les ressources); 3) Il utilise des règles idéologiques qui n’ont d’autres objectifs que de justifier les avantages acquis des fonctionnaires (règle : Équilibre Permanent de l’État (EPR) ; 4) il ne prend pas en compte les flux entre les différents agents de l’administration publique (retraite, autres caisses de la SS et l’État); or ce que l’on recherche, c’est de savoir si le budget retraite est déficitaire, s’il contribue à la croissance de la dette publique, la présentation idéologique du COR empêche de répondre à cette question.


Alors certains experts (les plus compétents qui ont initié le débat : Mme Bouverin, M. Marques, le Commissariat au Plan et G. Néel) disent oui, mais il y a parmi des dépenses de l’État (des subventions) des dépenses justifiées, des dépenses de «solidarité» (le mot préféré des socialistes, concept idéologique s’il en est), que l’État doit octroyer au patronat pour réduire le poids des cotisations patronales (c’est bien la preuve que l’État reconnaît implicitement que les cotisations obligatoires imposées aux entreprises sont un facteur de chômage et de non-compétitivité de l’industrie française). Au lieu de baisser les cotisations (et donc le niveau des retraites en particulier pour les fonctionnaires), les gouvernements (de droite comme de gauche) préfèrent subventionner les retraités.


Ces critiques ont oublié notre objectif, « Y a-t-il un déficit du système retraite français?», sous-entendu, y a-t-il une augmentation de la dette publique française due au financement des retraites? La réponse est oui pour un montant de €72 milliards en 2021. Au niveau budgétaire il n’y a pas de dépenses publiques de solidarité ni de dépenses «anti-solidaires », il n’y a que des dépenses publiques qu’il faut financer et il n’y a que deux moyens de les financer: soit par des impôts actuels, soit par des impôts futurs (la dette). Certes, il y a des dépenses publiques plus ou moins utiles, mais une fois budgétées et engagées, on n’a plus le loisir de décider ce que l’on va les payer ou non, en fonction de ses préférences politiques. Ce n’est pas aux commentateurs de choisir les « bonnes et les mauvaises » dépenses, c’est au Gouvernement et au Ministre des Finances, qui passe son temps à nous dire qu’il va réduire demain les dépenses publiques et qui n’en peut, mais. Il appartient aux politiques d’analyser les dépenses publiques et de supprimer ou réduire les dépenses inutiles et improductives (ce qui reste à faire).


Résumé :

  • Le déficit du budget retraite au niveau consolidé est égal à €72 milliards en 2021 soit 2.9% du PIB, soit 45% du déficit global au sens de Maastricht (pour un budget en équilibre (selon le COR), on fait mieux).

  • Donc l’augmentation de la dette publique due au budget retraite s’élève à €72 milliards soit 44% de l’accroissement de la dette publique la même année. On s’endette pour financer des dépenses improductives qui ne serviront jamais à la rembourser.


Le choix implicite des Français en faveur des retraites signe le déclin long et permanent de la France dans le monde; explique en partie le déficit extérieur de la France (théorie des deux gaps, déficit budgétaire-déficit de la balance courante), explique la désindustrialisation de la France, (le modèle social français reste largement financé par les entreprises) et explique le déclin international de la France. Il est un des moteurs de la croissance de la dette.


Aucun argument rationnel n’a de prise sur des gens qui vivent dans le monde de leur croyance qui n’a rien à voir avec la réalité des faits.


« Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances, ils n’ont pas fait naître celles-ci, ils ne les détruisent pas ; ils peuvent leur infliger les plus constants démentis sans les affaiblir »


Marcel Proust



31 vues0 commentaire

Comments


Post: Blog2_Post
bottom of page