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D’après la burgernomics, l’euro est sous-évalué…

Jean-Pierre Dumas

Vendredi 10 octobre 2020




La dépréciation du dollar en avril 2020 a jeté un effroi dans le landernau économique. Est-ce que l’appréciation de l’euro va se poursuivre au détriment de de la croissance pour la zone euro (ZE), et de la France?


Avant de porter un jugement, il faut poser la question de la sous ou surévaluation de l’euro. Or si on utilise la théorie assaisonnée à la mode du ‘big mac’, l’euro n’est pas, à l’heure actuelle, une monnaie surévaluée par rapport au dollar. Si on utilise le concept du taux de change réel, on constate que le dollar s’est apprécié par rapport à toutes les monnaies sur la période…


Les concepts du ‘big mac’ et du taux de change réel permettent de poser le problème de la surévaluation ou sous-évaluation d’une manière plus rigoureuse que ce qu’on lit généralement dans la presse.


Et si ce brouet n’est pas du goût délicat des Français, nous n’avons pas encore trouvé un plat à la française qui se consomme dans le monde entier comme le ‘big mac’.

1 Les faits

En février et mars, au début de la crise du covid, on note une hausse du dollar suivie par une forte baisse, le taux de change effectif du dollar (le taux de change effectif est le taux de change d’une monnaie par rapport aux autres monnaies avec lesquelles le pays fait du commerce) se déprécie en termes nominal de 5% en juillet; cela paraît faible, mais dans un marché stable, c’est considéré comme important.


Si maintenant on considère le taux de change dollar-euro, le taux de change de l’euro par rapport au dollar se situe en dessous de la moyenne sur la période 1999-2019. Bien entendu, la moyenne des taux de change $/€ n’est pas un taux de change d’équilibre, néanmoins le taux actuel (1.16$/€ le 25/09/2020) est en dessous des taux atteints sur la période 2004-2014.


Figure 1 Le taux de change dollar/euro est loin d’atteindre les pics de la période 2004-2014

Source : IMF/IFS


Qu’en est-il sur la période récente?


Figure 2 L’euro s’est apprécié à partir de juin 2020


Si on prend comme base de départ mai 2020, l’euro s’est apprécié par rapport au dollar de 8%, si on part de juin, l’appréciation n’est que de 4%, ce qui reste important. De nombreux commentateurs craignent que cela sape la reprise de la ZE en réduisant les exportations et en réduisant l’inflation.


On rappelle que si l’euro vaut aujourd’hui (25/9/2020) 1.16$, il avait atteint $1.47 après la crise financière de 2008. Il a été introduit à $1.17 en 1999.


2 Le dollar est une monnaie surévaluée

Le ‘big mac index’


Pour savoir si le dollar est surévalué, je suggère d’utiliser le ‘big mac index’ or d’après la burgernomics, l’euro est bien sous-évalué. De combien ? Grâce au ‘big mac index’ on peut fournir une indication actualisée.


J’ai appelé à New York pour avoir le prix du ‘big mac’ le 25 septembre 2020, $5.76, puis Paris, pour avoir le prix du même ‘big mac’ à la même date, €4.45. Donc un produit homogène, deux prix différents dans leur monnaie respective le même jour. Or sur le plan philosophique, un taux de change doit (ou devrait) être égal au rapport des prix des biens échangeables entre deux pays. Le coup de génie de The Economist (TE) est de prendre le ‘big mac’ comme référentiel, c’est une approximation certes approximative, mais solide d’un panier de monnaie comparable entre deux ou plusieurs monnaies. Son intérêt est qu’on n’a pas besoin d’une armée de statisticiens, économétriciens pour le calculer, il suffit de quelques mails et d’un bon économiste.


Faisons le ratio prix ‘big mac’ Paris/prix ‘big mac’ NY = €4.45/$5.76 = 0.77€/$ ou 1.29$/€. Donc d’après la théorie de la Parité des Pouvoirs d’Achat (PPA), l’euro devrait valoir 1.29$, or à la même date, le taux de change officiel de l’euro était de 1.16$/€, donc le 25 septembre, d’après le ‘big mac index’, l’euro était sous-évalué (pas surévalué) de 10% (1.16-1.29)/1.29).


Vous allez dire, le “big mac’’ ce n’est pas l’ensemble des biens & services produits par un pays, c’est un raccourci un peu osé. Peut-être, mais depuis des décennies les économistes pragmatiques utilisent cette technique qui est instantanée (deux coups de fil, un à Paris, l’autre à NY) et a montré sa validité (il y a eu énormément d’études académiques sur le “big mac index’’).


Qu’est-ce que ça signifie ? Ça signifie que, peut-être, l’euro, en dépit de son appréciation récente par rapport au dollar, n’est pas tant surévalué qu’on veut bien le dire. Certes, c’est une mesure insuffisante qui donne la tendance à long terme du taux de change (le niveau d’équilibre du dollar serait plus proche de 1.3$/€ que de 1.16).


Sur le long terme, l’euro a été sous-évalué (d’après l’index du “big mac’’) depuis 2015.


Figure 3 D’après le “big mac index’’, l’euro est sous-évalué par rapport au dollar depuis 2015

La Figure 4 est frappante, en juillet 2020, il y a deux pays dans le monde qui ont un taux de change surévalué par rapport au dollar. Quand Trump se plaint de la surévaluation du dollar, il n’a pas tout à fait tort.

Figure 4 Selon le ‘big mac’ tous les taux de change sont (en juillet 2020) sous-évalués par rapport au dollar sauf pour la Suisse…si maintenant on prend le ‘big mac’ ajusté, c’est différent

Source : TE July 2020


Maintenant, on peut critiquer la comparaison brute des prix du ‘big mac’ entre pays développés et en développement. Il est normal que le prix d’un ‘big mac’ soit inférieur dans un pays en développement que dans un pays développé, car le prix du travail est inférieur dans un pays pauvre que dans un pays riche, or les salaires ne sont pas des biens échangeables et donc ne devrait pas faire partie de la PPA. TE a donc « corrigé » ses données brutes en produisant un index « ajusté » il ajuste le prix du big mac’ par le PIB per capita pour 48 pays (sa méthodologie n’est pas claire).


Dans la mesure où l’Europe et les États-Unis forment deux pays développés, nous ne comprenons pas très bien pourquoi il y a un tel écart entre le taux de change de l’euro par rapport au dollar. D’après le ‘big mac brut’ (la méthode que j’ai utilisée), l’euro est sous-évalué par rapport au dollar en juillet 2020 de 16%, si on prend le ‘big mac ajusté par le PIB, l’euro est surévalué de 2% ?!


Le taux de change effectif réel

Prenons un autre indicateur, le taux de change effectif réel (TCER), il ne donne pas le taux de change de parité, c’est un indice qui doit être observé au cours du temps, il donne l’appréciation ou la dépréciation du taux de change réel par rapport à une date donnée. Le taux de change réel (TCR) est le taux de change exprimé en prix constant, donc on le déflate par l’indice des prix du pays considéré et on le multiplie par l’indice des prix pondérés par les pays avec lesquels il fait du commerce.


L’indice du taux de change réel de l’euro est l’indice du taux de change nominal de l’euro par rapport au dollar (€/$) déflaté par l’indice des prix à la consommation dans la ZE et multiplié par l’indice des prix à la consommation des États-Unis.


Le Taux de Change Réel (TCR) est un indicateur de compétitivité, quand il augmente cela signifie que la monnaie du pays considéré s’apprécie en termes réels par rapport aux autres pays avec lesquels il fait du commerce.


Pour la zone euro, on constate que l’indice du Taux de Change Effectif Réel (TCER) n’a jamais dépassé le niveau de 2010, reste à démontrer que le niveau de 2010 était à l’équilibre. On ne note donc pas une appréciation du TCER de l’euro sur la période.

La Figure 5 montre que le taux de change effectif réel du dollar s’est apprécié de 2014 à 2019 (de 17% pour le dollar) et l’euro s’est déprécié de 6% en termes réels sur la même période.


Figure 5 Le taux de change effectif réel de l’euro

Source : IMF/IFS


Quels que soient les concepts que l’on utilise, le dollar est bien surévalué par rapport aux autres monnaies et il s’apprécie au cours du temps.


Étant donné le déficit externe structurel des États-Unis, une dépréciation du dollar est dans l’ordre normal des choses (du moins sur le plan économique), étant donné le surplus externe de la ZE la dépréciation de l’euro est aussi normale. Le problème est que tous les pays de la ZE ne sont pas dans la même situation en termes de solde externe.


La ZE a dans son ensemble un solde externe positif

La ZE dans son ensemble a un solde de sa balance des paiements courants positif sur la période 2010-19 (+2% du PIB), mais ce surplus cache des disparités entre pays. Certains pays ont un solde négatif dont la France. On remarquera que l’Italie et l’Espagne contrairement aux lieus communs ont une balance courante équilibrée sur la période. Aussi un taux de change bon pour des pays excédentaires (Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg) peut être trop élevé pour des pays structurellement déficitaires (Chypre, Grèce, Portugal, France). C’est une des critiques traditionnelles faites contre la monnaie unique, le taux de change unique ne gênerait pas certains pays et ne serait pas adapté à d’autres. C’est oublier que le même argument pourrait être utilisé pour les États-Unis. Si on élaborait une balance des paiements différente pour chaque État des États-Unis, on trouverait exactement la même chose, des États qui s’adaptent au taux de change et des États qui sont structurellement déficitaires (encore que la majorité des États américains doivent être déficitaires). Quand le taux de change est fixé par les marchés, c’est à chaque pays à être suffisamment compétitif pour s’adapter au taux de change (exogène).


Figure 6 Solde de la balance des paiements courants/PIB sur la période 2010-2019

Source : IMF/WEO/2019


Si l’euro continue à s’apprécier, il est évident que les pays les moins compétitifs (Chypre, Grèce Portugal et France) en pâtiront plus que l’Allemagne et les Pays-Bas.


Résumons l’euro est surévalué par rapport au dollar depuis 2015 (et encore aujourd’hui), la balance des paiements courants des États-Unis est structurellement déficitaire, le dollar semble surévalué par rapport à toutes les monnaies, le taux d’intérêt des États-Unis n’est pas assez attractif pour attirer les capitaux pour financer le déficit externe, et la masse monétaire des Etats Unis augmente plus vite que celle de la ZE, le dollar doit se déprécier.

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