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J. Powell prend de court (“undercut”) la BCE

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Dernière mise à jour : 1 sept. 2022


Source CNBC



Jean-Pierre Dumas,

mercredi 31 août 2022




Le discours de J. Powell, à Jackson Hole (le 26 août 2022) est important tant pour les États-Unis que pour le reste du monde (et pour l’Europe). Il ne considère plus l’inflation comme un phénomène transitoire dû uniquement à des goulots d’étranglement dans la chaîne de production ; il considère clairement que l’inflation est maintenant incrustée (“anchored’’) dans l’économie américaine (comme en Europe) et qu’elle ne va pas disparaître en attendant patiemment que les sentiments des agents changent (comme c’est le cas en Europe).


It is also true, in my view, that the current high inflation in the United States is the product of strong demand and constrained supply’’

J. Powell Jackson Hole speech, August 26, 2022.


Pour J. Powell, l’inflation est le résultat d’une demande trop élevée et de goulots d’étranglement sur l’offre. Pour Powell, il y a surchauffe dans le marché du travail avec des offres d’emploi non satisfaites (taux de chômage aux États-Unis en août 2022, 3.5%).


Powell, comme le font les banquiers centraux, part du modèle de Phillips (1958), Phillips montre une équivalence empirique entre un chômage faible et un taux d’inflation élevé.


Le raisonnement de la Fed tourne autour de trois points, 1) quand il y a une augmentation de la demande globale (due à des déficits budgétaires énormes) supérieure à l’offre (dû à des goulots d’étranglement, choc d’offre), il y a hausse des prix et des salaires. 2) Un choc de l’offre est en général source de stagflation (choc pétrolier des années 70). 3) Le choc de l’offre nourrit les anticipations inflationnistes.


L’inflation par les anticipations se nourrit elle-même. Plus l’inflation augmente, plus les agents pensent qu’elle va rester élevées, et ils demandent des augmentations de salaire qui vont entretenir l’inflation. Quand l’inflation est faible, les agents pensent à autre chose, quand elle commence à être élevée surtout après des décennies d’inflation faible, les agents ne pensent plus qu’à ça (en France, la campagne électorale a tourné autour d’un seul thème : le pouvoir d’achat). Plus l’inflation durera, plus elle restera ancrée chez les agents et plus il sera difficile et douloureux de lutter contre; il a fallu plusieurs années à P. Volcker pour éteindre l’inflation aux États-Unis, donc le rôle d’un banquier central consiste à casser les tendances inflationnistes le plus tôt possible.


L’objectif du Président de la Fed est aujourd’hui clair : ramener l’inflation à 2%. Comment? En ramenant la demande au niveau de l’offre (pour J. Powell, il est clair qu’il y a une inflation de la demande aux États-Unis (cf. Figure).


Figure La relation entre augmentation de la masse monétaire et l’inflation n’est pas si mauvaise pour les US, elle est décalée dans le temps (normal), on note une hausse de la monnaie en mai 2020 (+22%) et février 2021 (+27%) qui ne peut qu’être source d’inflation qui débute en avril 2021



We are taking forceful and rapid steps to moderate demand so that it comes into better alignment with supply, and to keep inflation expectations anchored”


J. Powell, annonce qu’il va utiliser les instruments traditionnels de la politique monétaire avec détermination (“forcefully’’) pour revenir à l’objectif d’inflation de la Fed (2%) (qui est aussi, incidemment, l’objectif de la BCE). Il faut, pour ce faire, ajuster la demande à l’offre. Il va continuer à accroître les taux monétaires pour juguler l’inflation fusse au prix d’une croissance plus faible et une augmentation du chômage. “higher interest rates, slower growth, and softer labor market conditions will bring down inflation, they will also bring some pain to households and businesses. These are the unfortunate costs of reducing inflation. But a failure to restore price stability would mean far greater pain.” J. Powell ; Jackson Hole, August 26, 2022.


On rappelle qu’aujourd’hui le taux de la Fed (“Federal Fund Rate’’) s’élève à 2.5%, le taux de la BCE (“the Main Refinancing Operation’’) s’élève à la même date à 0.5% (le taux sur les dépôts est nul). Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que le dollar s’apprécie. Il annonce un accroissement élevé pour la prochaine réunion de la Fed en septembre.


Le Président de la Fed se souvient du remède de cheval qui a dû être infligé en 1979-80 aux États-Unis par P. Volcker (il a dû lever le taux banque centrale (BC) jusqu’à 20% pour créer une récession qui vienne à bout de l’inflation), parce que ses prédécesseurs avaient considéré l’inflation comme un phénomène transitoire. Plus un banquier central attend pour lutter contre l’inflation, plus c’est difficile. Toutes les actions prises par la BC prennent du temps pour se matérialiser.


Il se souvient du conseil donné par C. Sims (prix Nobel d’économie en 2011), quand la BC relève son taux d’intérêt, cela prend environ une année pour avoir un effet sur l’activité économique et plus de temps encore pour avoir un effet sur l’inflation. C’est la raison pour laquelle, si les BC n’ont pas anticipé l’inflation, elles ne doivent pas attendre avant d’accroître le taux BC.


J. Powell, par son discours à Jackson Hole, montre son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique, il n’est jamais enthousiasmant de proposer des hausses de taux, surtout en période électorale. Son attitude contraste de plus en plus avec l’attitude timorée de la BCE qui n’a pas montré la même détermination et indépendance vis-à-vis des pouvoirs politiques pour lutter contre l’inflation (qui est le seul objectif de la BCE).


Certes, la tâche de la BCE est rendue plus complexe par les multiples taux d’intérêt auxquels elle doit faire face à cause de pays à politiques budgétaires divergentes (cf. jpd to-taper-or-not-to-taper (2021). Soit la BCE suit la Fed dans sa détermination à lutter contre l’inflation en augmentant son taux directeur (ce qu’elle devrait faire) et elle prend le risque d’une fragmentation des taux (l’écart entre les taux (longs) des pays fragiles va s’accroître par rapport au taux allemand avec risque de panique financière pour ces pays), soit elle pratique une politique du “quantitative easing’’ sélective (limitée aux pays surendettés), ce qu’elle fait à l’heure actuelle ; ce qui revient à pratiquer une politique budgétaire ciblée, ce qui n’est pas le rôle d’une banque centrale. Ce n’est pas en pratiquant une politique quasi budgétaire que la BCE va lutter contre l’inflation. Les pays de la ZE surendettés doivent faire, ce que tous les pays du monde font en cas d’excès de demande due à des déficits publics excessifs, un ajustement (il est temps de commencer à appliquer “the Outright Monetary Transactions instrument’’ au lieu d’inventer de nouveaux instruments tels que “the-transmission-protection-instrument''qui est une diversion par rapport au problème.



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