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Les “bonds vigilantes’’ pourraient ne pas se limiter à Londres




Jean-Pierre Dumas

lundi 24 octobre 2022



“The markets are thinking, ‘They hadn’t thought through Brexit carefully enough and now they haven’t thought this through either’”

Stefan Gerlach, a former deputy governor of the Central Bank of Ireland.



'One of the things that really ruined my sleep is the markets.’

K. Kwarteng, ex-Ministre des Finances du RU




Qu’est-ce que les “bonds vigilantes’’ ce sont ces méchants spéculateurs qui jouent contre un pays quand il connaît des difficultés économiques. Ils vendent les bons du Trésor quand ils sentent que le pays rencontrera des difficultés à les servir. En vendant en masse, ils contribuent à baisser leur valeur (la valeur d’un actif financier ne dépend pas de sa valeur faciale, mais de sa valeur du marché qui varie en fonction de l’offre et de la demande). Quand la valeur d’un bon diminue, son taux d’intérêt augmente (le taux d’intérêt varie d’une manière inverse à la valeur du bon).


Les marchés se sont affolés à l’annonce précipitée du « mini budget » présenté par l’ex-ministre des Finances Kwarteng, qui présentait un déficit supplémentaire pour la GB dû à une baisse des impôts et une augmentation des dépenses qui n’était pas financé. Il ne faut pas oublier que ce déficit programmé pour 2023 faisait suite à deux années de déficit exceptionnelles (12.8% du PIB en 2020 et 8% en 2021).


Il y a, à notre avis, deux erreurs contradictoires à ne pas commettre de ce côté-ci de la Manche, se réjouir intérieurement (“schadenfreude’’) des déboires financiers et politiques de la GB et/ou critiquer les marchés financiers comme étant la cause des déboires de la GB.


La situation budgétaire objective de la GB n’est pas pire que celle de la France. Le déficit budgétaire de la GB, que j’ai projeté pour 2023, s’élèverait à environ 4.8% du PIB (si on considère le fameux mini budget de l’ex-ministre Kwarteng). Ce déficit annoncé a entraîné les attaques des marchés, les “bond vigilantes'’, qui ont vendu les bons du Trésor anglais (“gilts’’) ce qui a entraîné la chute de la livre et la hausse des taux.


Quelle sera la situation en France en 2023 ? D’après les projections du FMI (IMF/WEO/Oct. 2023), le déficit budgétaire de l’administration publique s’élèverait à 5.6% du PIB. Les projections du FMI sont la plupart du temps optimistes, le déficit budgétaire français, après les collectifs budgétaires traditionnels, sera sans doute plus élevé. Avez-vous entendu parler d’attaques des marchés contre la France? D’après le FMI, le ratio de la dette publique française s’élève à 112% du PIB en 2022, pour le RU le même ratio 87% (pour des raisons encore peu claires, ces ratios sont complètement différents de ceux publiés par l’OCDE*). Apparemment, les marchés sont plus complaisants pour la France que pour le RU.


Quelques suggestions d’explications :


1. Ce « mini budget » a été mal préparé, pas concerté avec les Conservateurs, la Banque d’Angleterre, le Trésor, the independent Office for Budget Responsibility.


2. L’euro protège les pays y compris ceux qui sont loin d’être vertueux (il y a longtemps que les règles budgétaires de Maastricht sont tombées dans les poubelles de l’histoire (et vont y rester) et pourtant elles visaient à prévenir les infortunes actuelles de la GB).


3. Si les marchés n’ont pas attaqué les pays du Sud de la ZE, ce n’est pas parce qu’ils sont plus rigoureux que la GB c’est parce qu’ils ont été protégés et continuent à être protégés par la politique d’achat massif de bons du Trésor par la BCE. En achetant les bons du Trésor, la BCE retire ces bons du marché et donc du pouvoir des “bonds vigilantes’’. La Fed et la BoE ont arrêté l’achat de bons du Trésor, leurs bons sont donc sous l’emprise des marchés. La BCE est dans une position ambiguë, elle maintient sa politique du QE, en particulier pour les pays les plus fragiles, ceux qui ont une dette la plus élevée et qui inquiètent les marchés. La politique du QE sélectif a au moins trois inconvénients, a) elle est sélective, elle favorise certains pays, or la caractéristique de la politique monétaire est d’être neutre, identique pour tous, dans le cas contraire elle se transforme en politique quasi budgétaire qui subventionne un État au détriment d’un autre ; b) elle encourage donc le laxisme budgétaire des pays surendettés, pourquoi s’ajuster puisque la BCE sera là pour financer indirectement notre déficit? c) Elle est en contradiction avec la hausse des taux directeurs (il y a une contradiction entre la hausse des réserves et la hausse des taux).


4. Les marchés sont capricieux et superficiels, ils ne s’intéressent pas aux fondamentaux, ils agissent d’une manière moutonnière.


5. La stabilité politique est une précondition à la stabilité financière (le RU a connu cinq Premiers Ministres depuis le Brexit (2016), comme l’Italie ; depuis juillet, quatre ministres des Finances). La constitution gaulliste fournit cette stabilité à la France et donne l’impression de stabilité à l’étranger (heureusement que les gnomes de Zurich ne regardent pas les débats parlementaires, n’écoutent pas les âneries de Mélenchon et ses affidés et ne se promènent pas à Paris les jours de grève).


Donc éviter toute “schadenfreude’’, ce qui arrive aujourd’hui à la GB pourrait aussi nous arriver. Deuxième erreur de raisonnement, si fréquente en France, les mêmes qui disent «c’est bien fait » pour la Grande-Bretagne vont dire dans le même souffle, « c’est la faute des marchés, comment les marchés peuvent-ils mettre à genoux un pays et décider de leurs taux d’intérêt et du taux de change d’un pays souverain, c’est intolérable ». Cela s’appelle confondre l’effet avec la cause, les marchés ne sont pas responsables de la politique budgétaire des États, si ceux-ci s’endettent au-delà du raisonnable, ce n’est pas la faute des marchés, on demande au marché de bien vouloir financer des déficits élevés ; il ne faut pas s’étonner si ces derniers, qui placent l’épargne de leurs clients, hésitent devant des pays irresponsables.


Figure 1 Kwarteng & Truss sont les responsables de la volatilité des marchés (pas les marchés)



Source : FT, Oct. 7, 2022


Est-ce que cette situation dramatique est limitée à la GB ? Est-ce que les méchants spéculateurs (“bond vigilantes’’) vont s’arrêter à Londres ? Après tout, Rome, Athènes, Paris sont aussi de jolies capitales. Tout dépend, à mon sens, du rôle joué par la BCE, si elle continue le QE sélectif, elle retardera la venue des “bond vigilantes’’, si la BCE arrête, comme la Fed, le QE, alors il est possible qu’ils apparaissent.





*Note : Le ratio de la dette publique publié par le FMI et l’OCDE sont complètement différents.


D’après le FMI (World Economic Outlook) le ratio de la dette publique (que j’utilise) représente 95% du PIB en 2021, d’après l’OCDE 143% la même année, une différence de 48% du PIB n’est pas une mince affaire et change le raisonnement.


Si on regarde les statistiques de l’OCDE on constate que les chiffres de l’OCDE ne sont pas cohérents entre eux.


Figure 2 L’OECD a trois manières de présenter les statistiques du ratio de la dette aucune n’est cohérente


La différence entre les statistiques du FMI et de l’OCDE pour le ratio de la dette peut provenir de :


1. Différents types de dettes incluses ou pas. Les dettes des pensions sont incluses dans les statistiques de l’OCDE (du moins pour D4, le problème est que D4 n’est pas disponible pour tous les pays), pas pour le FMI.

2. Évaluation différente, la dette publique pour le FMI est évaluée à sa valeur faciale. Si l’OCDE évalue la dette à la valeur du marché, alors la valeur de la dette de la GB à la valeur du marché est supérieure de 21% à sa valeur faciale.


Aucune réponse satisfaisante, si vous savez…c’est un point important. Il n’est pas indifférent d’écrire que le ratio de la dette pour la GB est égal à 103% du PIB (FMI, 2020) ou 144% (OECD, Government at a glance) et pour la France (115%, FMI) ou 147% (OECD at a glance). Les conclusions économiques ne sont pas les mêmes. Un minimum de cohérence serait bienvenu.



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